L’impérative révision des droits et taxes sur le véhicule électrique

Au regard des intentions clairement affichées par les pouvoirs publics de faire franchir au pays le pas vers le véhicule électrique dans le cadre de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique, il y a lieu de rappeler que l’importation de ce type de véhicule de manière massive, dans la difficile situation que connait le pays, risque de produire le résultat contraire de ce qui est attendu.
En premier lieu, soulignons que les prix affichés sur ce type de véhicules sont bien plus élevés que ceux des véhicules atmosphériques. Si 15% du volume global importé seront consacrés aux véhicules électriques, tel que souhaité par le président de la république, Abdelmadjid Tebboune, il convient d’attirer l’attention sur le fait que ce volume va revenir très cher au trésor public, en devises sonnantes et trébuchantes. Certains pourront toujours dire qu’il existe de petits modèles à quatre places accessibles. Soit, mais ces modèles ne disposent pas d’un contenu technique autorisant une autonomie importante et surtout une vitesse maximale, dans le plus souvent des cas, limitée à 45 Km/h. Ces véhicules destinés aux jeunes pour un usage exclusif en milieu urbain, ne conviennent pas pour notre pays où le véhicule fait l’objet le plus souvent d’un usage intensif et surtout en raison des distances à parcourir dans un pays continent. Dans un autre registre, il faut d’abord préparer l’environnement qui va accueillir ces véhicules électriques en disséminant de manière cohérente des bornes de recharge en nombre suffisant pour ne pas reproduire l’échec déjà connu et renouvelé, depuis les années 1980, avec le GPL. Toujours dans la perspective de l’arrivée de véhicules électriques, il convient de souligner que les concessionnaires ont fait une proposition consistant à limiter dans un premier temps, le volume de véhicules électrique à importer, à 2%. Ces 2% de véhicules électriques seront dans un premier temps destinés aux administrations publiques, ce qui permettra aux algériens de se familiariser avec ces véhicules, de s’imprégner de l’usage de ce type de voitures et de comprendre les enjeux actuels liés à la transition énergétique. Importer également des véhicules hybrides est une solution qui permettrait aux techniciens des SAV des différentes marques de se familiariser avec le moteur électrique et d’en maîtriser son fonctionnement grâce à des programmes de formation. Le véhicule hybride pourra servir de transition pour aller plus tard et plus franchement, vers le tout électrique.
Droits de douane très élevés
Mais dans l’état actuel des choses, il existe d’autres freins qui risquent de contribuer à l’échec de telles importations. Outre la psychologie de l’algérien qui a tendance à redouter les véhicules aux contenus technologiques élevés, à l’image des véhicules dont l’électronique embarquée et le multiplexage sont omniprésents, qui suscitent une forte hésitation chez un grand nombre de clients à acquérir ce type de voitures pour des raisons compréhensibles liées aux difficultés à l’entretien ou à la réparation, ainsi qu’à celles du budget. Aussi, l’exemple de la transmission automatique est là pour nous rappeler, malgré les avancées importantes que ce type de boîtes de vitesse ont réalisées dans la conquête de nouveaux clients, que les algériens restent globalement très conservateurs dans leurs habitudes de consommation.
Autre frein important et même capital, les droits et taxes dont est frappé le véhicule électrique importé. Pour rappel, les droits de douanes sur un véhicule hybride sont de 15%, soit équivalents à ceux appliqués sur un véhicule thermique, ce qui est une aberration. Pour le véhicule électrique, ces droits de douane sont portés à 30%. C’est tout simplement incompréhensible!
Tenant compte de son prix d’acquisition élevé à la source, c’est-à-dire auprès du constructeur, il faudra donc lui ajouter 30% de droits de douane, 10% de frais divers, la marge du concessionnaire de 15% et la TVA de 19%. Avec le maintien de toutes ces taxes, il est clair que les importations de ce type de voitures sera sans aucun doute un échec, un de plus dans la gestion des importations de véhicules.
Il faudra donc revoir notre législation et l’adapter aux nouvelles situations induites par l’obligation qui nous est faite de réussir la transition énergétique dont le véhicule électrique n’est qu’un maillon. Il y a lieu également de tenir compte des capacités financières du marché, souvent modestes, et adapter autant que faire se peut le niveau de ces taxes, si ce n’est de carrément en annuler certaines, afin de permettre au véhicule électrique d’avoir toutes ses chances de réussite et de succès auprès des algériens. La réduction de ces taxes ou l’annulation de certaines d’entre elles, sera compensée par le volume des carburants économisés (essence et diesel) grâce à l’usage progressif de ces véhicules propres. Il y a également lieu de réfléchir à la mise en place de mesures incitatives et de soutien au profit des clients afin que le marché des véhicules électriques décolle.
Sans cela, les importations de voitures électriques risquent fort de s’apparenter à un gâchis d’une partie des ressources encore disponibles au niveau du trésor public.