Distribution automobile : Une situation Kafkaïenne créée de toutes pièces !
L’automobiliste algérien, grand amoureux de la voiture, est confronté depuis quelques temps à une situation inédite.
En effet, Aujourd’hui, notre pays est le seul au monde où l’offre en véhicules neufs est inexistante ! En conséquence, il est établi que la valeur du véhicule d’occasion a atteint des niveaux jamais connus auparavant. Au point où le volume des échanges de ce marché s’est réduit à un niveau presque nul, alors que lorsque le véhicule neuf était disponible au niveau des show-rooms des concessionnaires, le marché des VO était estimé à quelques 800 000 unités annuellement. Comment en est-on arrivé là ?
Décisions immatures et lourdes de conséquences
Pour bien comprendre cette situation, il faut revenir à l’année 2014, lorsque Abdeslam Bouchouareb, l’ancien ministre de l’industrie, condamné par la justice et en fuite à l’étranger, a décidé de contraindre les concessionnaires, de simples importateurs/distributeurs, à devenir des constructeurs ou au moins, des industriels, producteurs de pièces et autres composants automobile. Ils avaient un délai de trois ans pour se conformer à cette nouvelle règle, soit au 1er janvier 2017, date à laquelle ils devaient prouver leur nouveau statut d’industriels à travers la mise en œuvre d’un projet ! Cela, selon le ministre de l’industrie de l’époque, en raison de la chute des revenus pétrolier et la crise financière qui s’en est suivi. Notre pays ne pouvant plus se permettre des volumes d’importation de véhicules équivalents à plus de cinq milliards de Dollars annuellement.
Cette projection brutale et irréfléchie vers l’industrie automobile a été en réalité initiée en 2012 avec le constructeur français Renault à la faveur de l’accord de création de Renault Algérie Production (RAP). Cette décision, prise sans véritable réflexion et sans concertation a propulsé notre pays dans une crise inédite, jamais connue même à l’époque du socialisme spécifique !
Renault Algérie Production a présenté en grande pompe, la première Renault Symbol assemblée à Oran en 2014 tout en bénéficiant d’une exclusivité de trois ans. Entre temps, un nouveau cahier des charges a vu le jour en 2015, conçu par Abdeslam Bouchouareb. Ce cahier des charges dédié à l’activité de l’importation automobile a été suivi en 2016 par celui du montage automobile qui n’a jamais été publié. La non publication de ce dernier cahier des charges destiné à l’activité de montage, a certainement été le coup décisif porté à de nombreux concessionnaires qui se sont vus exclus de cette activité alors qu’ils avaient exercé sur le marché depuis au moins 15 ans.
La même année (2016) a vu l’instauration des quotas à l’importation alors que l’année suivante (2017) les concessionnaires n’ont pu importer aucun véhicule ! Cette activité des importations est mise en berne et toute l’activité automobile se retrouve de faite réduite à quelques opérateurs dans le montage, pouvant profiter d’un marché de plus de 400 000 unités par an.
Exclusion de nombreux opérateurs
L’exclusion brutale de nombreux concessionnaires automobiles auxquels se sont substitué de nouveaux opérateurs a été le début de la gabegie et de la dilapidation de l’argent public dont le montant connu est de l’ordre de 12 Milliards de Dollars ! En contrepartie, quatre assembleurs de véhicule particuliers, Renault, Sovac, CIMA et Glovis ont introduit sur le marché un volume d’environ 450 000 unités sur la période allant de 2014 à 2018. En termes de création d’emploi, les quatre sites d’assemblage comptaient quelques 4 000 collaborateurs. Cela, sans évoquer les avantages fiscaux et parafiscaux dont ils ont bénéficié durant toute la période de leur activité, sans pour autant qu’ils puissent proposer des modèles à des prix accessibles. Bien au contraire, certains assembleurs à travers une démarche purement affairiste, motivée par le gain facile, ont élargi les gammes « assemblées » jusqu’à plus d’une douzaine de modèles alors qu’ils étaient loin de la maîtrise technique requise pour cette activité ! Ces chiffres et cette façon de faire révèlent à eux seuls l’incohérence de ces projets qui n’avaient d’industrie que le nom. Pendant toute cette période, de nombreux concessionnaires ont été obligés de baisser rideau et d’espérer des jours meilleurs à l’image de Peugeot dont le projet industriel n’a en bout de compte, jamais vu le jour. Malheureusement, au fil du temps, cette situation allait s’empirer avec notamment la perte, pour certains, de leurs marques respectives au profit des nouveaux opérateurs qui avaient bénéficié du quitus pour le montage automobile. Ainsi, Diamal, représentant historique de Chevrolet et Opel, a vu ces deux labels tomber dans l’escarcelle de CIMA Motors. Hyundai VP du groupe Cevital a également été orientée vers CIMA Motors, alors que sa gamme utilitaire est reprise par Glovis. Dans le même ordre, Elsecom a perdu la représentation de ses marques Ford, Suzuki, Kia, Isuzu et Daewoo. Bien entendu, d’autres concessionnaires comme Toyota Algérie, Falcon Motors, Emin Auto et Saida GBH, pour ne citer que les plus reconnus pour être de grands acteurs sur le marché, ont vu leur activité réduite à néant à ce jour, avec pour conséquence la perte de plusieurs milliers d’emplois. Au total, pas moins d’une vingtaine de marques ont soit été stoppées net dans leurs activités ou orientées vers de nouveaux acteurs apparus à la faveur du génie de Bouchouareb !
Aujourd’hui, la distribution automobile est complètement à l’arrêt et les algériens risquent de connaitre une deuxième année consécutive, après 2020, sans pouvoir acquérir la voiture de leurs rêves. Outre le particulier, les entreprises font également face à de grandes difficultés pour acheminer leurs productions, vers leurs marchés en l’absence de moyens de transport. Toute l’activité économique est au ralenti en raison de l’absence de véhicule utilitaire en tous genres. Si on y ajoute les effets de la pandémie de la Covid19, il est aisé de comprendre que la situation de la majorité des entreprises est loin d’être reluisante !
SAV : Retour à la débrouille !
Dans une autre perspective, les clients en possession d’un véhicule acquis auprès d’un concessionnaire font face à d’énormes difficultés pour l’entretenir. A de rares exceptions, les concessionnaires ne respectent plus les dispositions contractuelles les liant aux constructeurs et les obligeant à réparer et entretenir les véhicules vendus, durant au moins dix ans.
A ce titre, les pouvoirs publics se doivent d’intervenir afin que l’automobiliste ne soit plus le dindon d’une farce initiée en 2012 par l’ancien ministre de l’industrie et dont les conséquences sont loin d’être terminés. Il est également urgent, de rétablir dans leurs droits, les concessionnaires dépouillés de leurs marques, particulièrement lorsque on sait que certains d’entre eux ont été reconnus comme victimes par la justice lors du procès dit de l’automobile. En cette période ou le ministère de l’industrie délivre des pré-agréments pour l’importation et la fabrication des véhicules, la question reste posée de savoir si les mêmes erreurs commises dans un passé récent seront évitées ?
Bien vu Mourad. Excellente analyse.